Le patriote.
Un événement a beaucoup frappé Norbert Casteret, au cours de sa vie. C'est la déclaration de guerre, le 2 août 1914. Agé de dix-sept ans, il a entendu la sonnerie interminable du tocsin, alors qu'avec des camarades de son âge, ils s'amusaient et se baignaient dans la Garonne, en ce brûlant après-midi d'été. Cet événement semble l'avoir hanté toute sa vie, au point de le relater dans ses écrits, dans un superbe passage lyrique (La Longue Course).
Dès qu'il en atteint l'âge, Norbert Casteret s'engage au 57ème d'Artillerie, où se trouve déjà son frère aîné, Jean. Il a fait ses classes à la 68ème batterie, et il est parti de là, en renfort au 117ème d'Artillerie. Il a fini la guerre au 457ème d'Artillerie, comme brigadier, avec la Croix de guerre.
Démobilisé en 1919, il contracte la grippe espagnole. Du conflit, il conservera le casque de tranchée qu'il utilisera, muni d'une lampe, pour ses futures explorations spéléologiques.
La défaite de 1940, l'occupation de la France par les troupes allemandes, lui ont certainement causé un grand déchirement. Mais il en parlait peu, trahissant seulement de temps en temps son désarroi. En 1943, par exemple, lors d'un séjour à Paris, il ne pouvait s'empêcher de montrer son trouble à la vue des immenses drapeaux allemands, flottant sur nos plus beaux monuments. De même, il ne put cacher quelques accents jubilatoires, en commentant les premiers revers de l'armée ennemie face aux troupes russes, et à la défaite de Stalingrad. A partir de cette époque, d'ailleurs, il avait installé, sur les murs de son bureau, de grandes cartes de l'Europe, sur lesquelles des épingles, avec de petits drapeaux en carton, figuraient les fronts en présence. De temps en temps, lors de visites d'un de ses camarades, prêtre à Toulouse, ils profitaient de la situation isolée de la maison pour capter la radio anglaise.
Cependant, veuf et chargé d'une famille de cinq enfants, il ne pouvait être question pour Norbert Casteret de partir au maquis. Il prit part, tout de même, à de remarquables opérations de résistance.
Dès novembre 1939, il a été chargé de mission secrète par le colonel Fauveau, directeur de la poudrerie nationale de Toulouse, aux fins d'indiquer des cavernes susceptibles d'abriter la production et les stocks considérables de la poudrerie.
Après plusieurs entrevues à Saint Gaudens et à Toulouse, et diverses visites de cavernes, la grande grotte de Bédeilhac (Ariège), fut retenue comme étant la plus appropriée. En définitive, cette grotte ne fut pas utilisée par la poudrerie, mais par l'usine d'aviation Dewoitine, qui y effectua des travaux considérables.
En juin 1940, il fut chargé de mission par le Service des Poudres qui lui remit trois grands sacs caoutchoutés, ne devant absolument pas être détruits (documents secrets uniques), et ne devant à aucun prix tomber aux mains de l'ennemi.
Ces documents très précieux furent cachés au fond du gouffre d'Esparros, par Norbert Casteret et son ami Germain Gattet, directeur de l'usine de chlore de Boussens (Haute Garonne). Cette mission, confiée par le Capitaine Clavié, de Paris, fut exécutée dans la nuit du vingt-cinq au vingt-six juin 1940.
En février 1941, Norbert Casteret fut pressenti par les officiers du 2° Hussards de Tarbes, désireux de cacher dans des grottes un important stock d'armes et de munitions, pour les soustraire à l'ennemi, et s'en servir au moment voulu. Après plusieurs entrevues et visites de cavernes, le grotte de Montsaunès fut retenue, et dans la nuit du dix-sept au dix-huit février 1941, avec l'aide de vingt officiers en civil, quatre camions amenèrent à pied d'œuvre les caisses d'armes et de munitions. Ces caisses furent portées à bras et cachées dans la grotte, dont l'orifice d'entrée, assez étroit, fut ensuite bouché et éboulé. Ce stock de seize tonnes resta de longs mois sous terre, jusqu'au jour où il fut exhumé pour l'armée de la Résistance.
En mars 1941, une opération analogue à la précédente a été effectuée dans un gouffre de la région de Cahors, grâce à la participation et au matériel d'échelles de corde de Norbert Casteret (toujours pour le 2° Hussards).
En décembre 1943, Norbert Casteret fut sollicité d'indiquer des grottes pouvant servir à entreposer des armes parachutées pour le maquis. Il montra diverses grottes à Messieurs Cauchois et Schneegans au cours d'une randonnée, destinée entre autres à fixer divers emplacements pour le parachutage d'armes et de munitions.
En outre, Norbert Casteret aida plusieurs jeunes gens réfractaires au STO, par ses conseils judicieux (témoignage de Georges Fouet), et il cacha et abrita certains maquisards (dont Marcel Loubens, passeur de France en Espagne), chez sa propre mère, madame Casteret, à Saint Gaudens.
A la Libération, Norbert Casteret, comme beaucoup de braves gens à ce moment-là, fut importuné, et subit le fruit de la jalousie de certaines personnes malveillantes. Il fut défendu et protégé par Maître Armand de Bertrand Pibrac, avocat à Saint Gaudens, et monsieur Dautrème, sous-préfet de Saint Gaudens sous le régime de Vichy, mais en même temps grand résistant, immatriculé à l'Armée Secrète. Norbert Casteret subit deux incarcérations successives, sans vouloir trahir le secret des documents qui lui avaient été confiés, et qui étaient toujours cachés au fond du gouffre d'Esparros. Enfin, conseillé par ses défenseurs, il finit par révéler ces missions secrètes. Accompagné du sous-préfet et d'agents de police armés, ils descendirent au fond du gouffre. Au vu des documents, en parfait état de conservation, estampillés « Secret Défense », il fut immédiatement libéré. Plus tard, à l'occasion de la remise de la décoration de la Légion d'Honneur, octroyée par le Président Vincent Auriol, il fut réhabilité par la ville de Saint Gaudens, dans une grande liesse populaire.