Le sportif.
Norbert CASTERET et ses frères furent initiés à la pratique sportive par leur propre père, qui les encouragea à cultiver toutes les disciplines. Norbert CASTERET en fit sa distraction favorite durant toute sa jeunesse.
D'abord à la maison, où il avait obtenu de son père d'avoir des anneaux fixés au plafond de sa chambre. Le saut, la course, le lancer de poids. La natation, le plongeon où il excelle. La pratique de la périssoire, sur les eaux de la Garonne.
Plus tard, adolescent à Toulouse, il pratique les sports de salle: cheval d'arçon, anneaux, barres parallèles, etc...
Les sports d'équipe: le foot; il est gardien de but, et capitaine de l'équipe. L'athlétisme: course à pied, saut, saut à la perche, etc...Le cyclisme et naturellement le ski, avec le saut à ski, encore à ses débuts.
Norbert CASTERET était exceptionnellement doué: très agile, véritable chat retombant toujours sur ses pieds, ce qui l'autorisera aux plus téméraires acrobaties lors de ses explorations. Très endurant, doué d'un cœur solide et battant à un rythme lent, lui permettant une longue durée d'immersion sous l'eau. C'est à ce titre qu'il reçut en 1923 la médaille d'or de l'Académie des Sports, pour son exploit exceptionnel de plongée dans la Grotte de Montespan.
Il était également un fervent de l'hébertisme, et pendant de nombreuses années il inaugura chacune de ses journées par une demi-heure de gymnastique.
Jusqu'à la fin de sa vie, il pratiqua la marche à pied, donnant à la jeune génération de sa descendance un exemple exceptionnel de courage et d'endurance.
Distinctions :
- Médaille de champion des Pyrénées de course à pied
- Médaille Club Alpin Français; champion des Pyrénées de saut à ski, 1922
- Médaille d'or Académie des Sports, 1923
- Médaille Club Alpin Français (expéditions souterraines), 1921 -1931
- Médaille d'or Éducation Physique et des Sports, 1947
- Etc...
"Norbert CASTERET, sportif !" par Sœur Marie CASTERET (23 avril 1992)
Henry CASTERET son père, ne tenait pas à faire de ses trois fils des 'mauviettes'. Il savait que les garçons ont besoin de se dépenser et de se dépasser. Lui-même aimait la marche et la chasse (gibier à plumes, à poil, gros gibier. Il tua 140 sangliers, et participait à des battues à l'ours.) Il pratiquait le saut, la natation, la bicyclette, et même la moto. Il apprit à sa femme à monter à bicyclette et ceci, dans la bourgeoisie de la fin du XIXe siècle, était très révolutionnaire ! Elle fut la première femme à faire du vélo dans le canton de Saint-Martory dès 1893. Les paysans se déplaçaient dans les champs pour voir ce spectacle inusité ! Il lui apprit aussi à nager dans la Garonne, à Saint-Martory où elle est encore très torrentueuse ; et il ne manqua pas de faire de même pour ses fils. La nourrice de Norbert s'indignait qu'un père pût tremper dans la Garonne « un enfant de lait » !
Dans la petite maison de Toulouse, (25 rue de Fleurance) Henry CASTERET avait fait installer dans la chambre des garçons (au-dessus des lits, faute de place) des anneaux où ces derniers ne se lassaient pas de se suspendre et de procéder à mille acrobaties amusantes ; ce qui leur permettait de « s'éclater » comme on dit maintenant tout en forgeant de bons petits muscles ! C'est pourquoi dès leur prime jeunesse, le sport eut naturellement sa place. Pendant les bienheureuses vacances à Saint-Martory (à Pâques et tout l'été) les garçons ne reparaissaient à domicile que pour les repas. Les journées ne suffisaient pas pour pratiquer en bande les activités sportives. Le pôle central était la Garonne. Natation, plongée, plongeon, périssoire, courses sur les galets : tout était déjà sujet à comparaisons et compétitions.
Parallèlement il y avait les courses à pied : courses de vitesse, courses de fond (1.500 m, 5.000 m, 10.000 m). Et puis, il y avait les falaises de I'Escalère où l'on organisait des cordées enfiévrées, et des premières en solitaire. Aussi, lorsqu'il fallait passer sur la bascule à la fin des vacances, Henry CASTERET répétait invariablement : « Et ils ont encore maigri ! »
Puis vint l'ère du vélo. Les notes de CASTERET débutent à cette occasion, lors des grandes vacances 1912. Il a 15 ans. A quatre, ils effectuent une grande étape de 113 km, c'est-à-dire : Saint-Martory, Saint-Girons, Sentein, et retour. (L'événement le plus notable est un procès-verbal pour Norbert et son ami Charles BARTHIER). A Pâques, nouvelle randonnée jusqu'à Saint-Bertrand-de-Comminges et Cierp.
Grandes vacances 1914. C'est seulement quelques jours avant la déclaration de la guerre. Il participe à un pèlerinage à Lourdes à bicyclette avec quelques compagnons, sous la direction d'un prêtre de Toulouse. On croit rêver à la lecture de cette relation pittoresque. A chaque instant, ce sont : freins cassés, pédales tordues, chaine qui saute, sans parler des crevaisons quasi-obligatoires, sur des routes qui ne ressemblent que de très loin à notre réseau routier actuel ! CASTERET qui a 17 ans, est le bon ange du groupe des six cyclistes qui ont 15 ans, et il répare continuellement. ..
Par la suite, il effectuera de nombreuses randonnées solitaires et de plus en plus lointaines.
C'est là qu'il vit déjà intensément ce qu'il décrira si bien (plus tard) dans son roman « La Longue Course" : cette ferveur pour le Tour de France cycliste, qu'il va regarder passer, en connaisseur de l'effort dans les lacets du col de Portet d'Aspet. Plus tard également pendant que son épouse et les deux enfants sont en vacances au bord de l'océan, il va, après une incroyable randonnée dans les Monts Maudits, les rejoindre à bicyclette depuis Saint-Gaudens jusqu'à Saint-Jean de Luz !
Aux grandes vacances 1915, il mentionne déjà 12 grottes (toutes dans l'Ariège), mais c'est surtout pour lui le premier contact avec le Massif d'Arbas : ascension du Rocher d'Arbas, de PéneNére, Paloumère, Cagire. Il pénètre dans Pène-Blanque et note sérieusement : « Il est dangereux d'y aller seul ». Le petit gars de 17 ans nous offre dans ses Carnets une page très émouvante et typique : il est seul à Paloumère, perdu, et sans vivres, dans un brouillard impénétrable !...
De 1915 à 1919, il pratique le très rude sport des tranchées : le camping intégral, les courses d'obstacles de l'agent de liaison, l'équitation, l'escalade dans les arbres pour y accrocher ses fils téléphoniques. Un jour d'octobre 1918, il se trouve au sommet d'un arbre et ressent un malaise soudain. Il a tout juste le temps de dégringoler et il s'affale, terrassé par une forte fièvre : la grippe espagnole !
Son camarade CHESNE le traîne dans une masure et l'installe dans le foin du grenier. Là, il lui fait boire maintes tisanes pendant plusieurs jours. Une fois guéri, Norbert lui demande d'où sort cette tisane, et le collègue avoue qu'il la fabriquait avec le foin de la cabane, cent fois piétiné par les soldats français ou allemands depuis quatre ans !
Au cours de la guerre, il bat des records spéciaux:
- de durée à cheval : 20 heures
- de jeûne : 48 heures
- de froid : -18°
- et aussi de marche à pied, dont le summum se situe lors de l'armistice. « Je me souviens, m'écrivit-il un jour, d'avoir couvert 200 kilomètres à pied. C'était à l'issue de ma dernière permission de guerre (permission de 18 jours). Nos troupes avaient avancé, depuis la Marne jusqu'à la frontière belge, et je ne retrouvais jamais mon régiment, qui était dans les Ardennes. Mais nous disions tous que nous aurions bien marché jusqu'à Berlin ! »
Au retour de la guerre, pendant sa vie étudiante à Toulouse, c'est la reprise du sport ... et de la « recordite ». Un jour de l'été 1919 (il n'est pas encore démobilisé, mais il est en permission), il veut battre un record de natation : celui de la durée à la nage. La Garonne étant une eau courante, il choisit le Canal du Midi où il 'dure' en effet une heure. En sortant de l'eau, il s'aperçoit qu'il a nagé (et bu) au voisinage d'une portée de petits chiens crevés. Résultat : la typhoïde ! A peine remis, il tombe de nouveau malade : la diphtérie !!
Sa constitution de sportif relève ces défis, et pendant ses études à l'Ecole de Notariat puis à l'Institut Agronomique, il va partager ses loisirs entre les sports de stade et la spéléologie. Notons qu'il n'y a pas à l'époque, de piscine municipale à Toulouse. Les sports nautiques sont pratiqués dans la Garonne. Il existe une tourelle en bois de 5,50 m qui sert de plongeoir au Café Roquebrune, Avenue de Muret (c'est là d'ailleurs qu'il sauve de la noyade son camarade Chilo (d'Auterive) qui a fait un 'plat' retentissant et dérive évanoui). Mais ce plongeoir ne suffit pas à notre sportif. Il y a longtemps qu'il plonge du haut du pont de Saint-Martory, ainsi que de la culée du pont romain appelée « le parapet de la rue de Nobles » à Saint-Martory. Il va alors essayer tous les ponts de Toulouse. Plusieurs fois il plonge du pont suspendu de Saint-Cyprien (qui n'existe plus) : onze mètres. Il plonge souvent de la Roche de l'Hôtel-Dieu : 8, 50 m. Il est très tenté de plonger du haut du Pont Saint-Michel (13, 50 m), mais il y a deux inconvénients : la rambarde est trop étroite pour y prendre appui, et le plus grave : il n'y a pas assez de profondeur d'eau !
Il possède quatre techniques de plongeon : droit suédois, à la hussarde, et le saut de l'ange où il excelle. Son père, et même sa mère, assistent à ces ébats dangereux sans s'effaroucher. Mais après ses plongeons répétés à Saint-Cyprien, ce sont les 'aréniers', les dragueurs de sable de la Garonne, qui le dissuaderont de recommencer en lui expliquant que parfois, ils perdaient leurs gaffes dont le manche se cassait en restant planté dans le fond du fleuve. Il renoncera alors en raison de ces piques terrifiantes. A la même période, il s'offre le gouffre de Planque à la corde lisse (65 mètres de profondeur plus ou moins verticale).
Au Stade Toulousain, il est fervent de football. Il est gardien de but et capitaine de l'équipe première du Stade Toulousain. Je vous fais grâce des comptes rendus homériques de certains matches, mais je sélectionne celui-ci où, pour la Coupe de France, le S.B.U.C. (Stade Bordeaux Université Club) bat la Stade Toulousain : « CASTERET, dans les buts, fut quelquefois malheureux. Mais aucun autre à sa place n'aurait fait mieux. Quiconque lui jette la pierre n'a qu'à le remplacer. »
Autre citation encore plus épique : « Le gardien de but CASTERET a fait une partie splendide (c'était contre des Anglais), sauvant à maintes reprises son camp de situations désespérées » (mais ça ne les empêche pas de perdre 3 à 1 !)
CASTERET est acharné au sport. Il n'est lié à aucune discipline : il va les pratiquer toutes !
Le saut : en hauteur, en longueur, avec élan, sans élan, le saut périlleux, le saut à la perche. Là, il faut dire qu'il est très bon. Il arrive à franchir et dépasser les 3 mètres (3, 15 m m'a redit il y a un mois son frère Martial). Précisons - c'est important – que ceci a lieu sur un terrain quelconque, et qu'après avoir sauté les 3 m, il faut se recevoir au sol. Pas de matelas moelleux surélevé pour la réception.
Et la perche ? Elle n'est pas en fibre de verre ou autre matériau sophistiqué. C'est un gros bambou rigide. Il n'y en avait qu'un au Stade Toulousain, et il était constellé, du haut en bas, de pansements de chiffons et de chatterton, car il était fendu !
Mentionnons les acrobaties diverses comme marcher sur les mains, les anneaux, le trapèze, les barres parallèles, la voltige au cheval d'arçons, et autres sports de salles.
Nous avons parlé du cyclisme ; il y a aussi les courses à pied (courses de vitesse, de fond, de relais, d'obstacles), le lancer de poids (main droite et main gauche). Ceux qui ont lu « la Longue Course », avec son petit héros si attachant : Nazou, savent maintenant où il a puisé son inspiration et sa mystique du sport.
Mais ce n'est pas tout, il va tâter du ski : le ski ordinaire, et ce que j'appelle « le ski vertige » : il descend sur la rampe du funiculaire, de Superbagnères à Luchon ! Rien ne l'effraie : il devient champion des Pyrénées de saut à ski ; c'était la deuxième fois qu'il chaussait des skis !
La natation (nous en avons déjà parlé) donne lieu à toutes sortes de jeux et de concours, comme la durée à la nage, la durée sous l'eau, la distance sous l'eau. Sous l'eau également il invente, avec son frère Martial, de faire de la danse, de la boxe, et des sauts périlleux. Il note aussi des 'records' pour les baignades hivernales, ou les bains en altitude : par exemple dans le lac glacé du Portillon d'Oô, à 2 500 mètres.
On le voit tout était bien mûr pour le franchissement du siphon du ruisseau souterrain de Montespan. Ce fut un jeu (dangereux), mais un jeu pour lui, et il fut bien le premier étonné quand l'Académie des Sports lui décerna sa médaille d'or !
A cette occasion, l'arbitre de son équipe de foot (qui était aussi président de la Fédération Française de rugby, Monsieur LERY) écrit un article dans la Dépêche du Midi. Il rappelle tous ses titres sportifs, mais il fait surtout mention de « ses qualités de bon compagnon modeste et serviable ». Et voici sa conclusion charmante : « Après tous les compliments qu'il a reçus, les nôtres ne seront qu'une goutte d'eau de plus dans le ruisseau de Montespan ; mais malgré sa légendaire modestie, je suis sûr qu'il les acceptera quand il saura qu'ils viennent de ses camarades en sports qui sont fiers de lui. »
Je reviens au saut à ski. Tout d'abord, le ski était une discipline inusitée. Les Toulousains ne déferlaient pas par milliers sur les pistes. Qu'on en juge par cette anecdote : un vieil ami rencontre un jour son père et lui dit : « Alors, votre fils fait de l'aviation ? Je l'ai vu l'autre matin à la gare avec un groupe d'aviateurs ». Stupéfaction : « Mais qu'est-ce que vous avez vu ? » - « Eh bien, je les ai vus avec de longues lattes plates et recourbées. Je croyais que c'étaient des hélices d'avion »... !
Les skis en question n'avaient pas de carres, et les attaches étaient primitives et dangereuses. Un jour, en 1923, pour une compétition de saut il y avait trois candidats : un moniteur norvégien, CASTERET et un de ses copains : Muraire, je crois. A la vue du tremplin et de sa courbe dangereuse, le moniteur refusa de concourir. Le copain, à la dernière minute, fila à côté du tremplin. CASTERET, lui, s'élance et accomplit un superbe saut de 17 mètres. A la réception, il plonge dans la neige molle (non damée) de la piste, et se casse la jambe ! ... Point de secours organisés d'ailleurs. C'est un Toulousain de bonne volonté qui le rapatrie dans la Ville rose où son oncle le Docteur Jacques CASTERET vient lui faire un plâtre à domicile !
Ceci nous situe le contexte matériel, les conditions dans lesquelles CASTERET pratique le sport Dès sa petite enfance, il se plaint à sa mère de l'incommodité de ses pantalons, les « culottes à la russe», qui sont serrées par un bracelet sous le genou, alors que les petits amis ont des culottes courtes. Madame CASTERET mère reste inflexible ! Pour la natation, ce sont les maillots à bretelles en coton lâche.
Et les chaussures ?... Que de progrès si appréciables à l'heure actuelle ! A l'époque de CASTERET en dehors des chaussures de ville ou des bottines à boutons, on ne connaît que les espadrilles à semelles de corde (non renforcées), qui s'usent et s'ébarbent et qui brûlent la plante des pieds. Pendant la guerre de 1914, ce sont les célèbres godillots à lacets, qui ne tiennent même pas la cheville, alors que les Allemands ont des bottes. Aussi, ne soyons pas trop étonnés si, au début de ses explorations, CASTERET a résolu le problème par le vide. Il explore pieds nus ! Mais il avait disait-il « les pieds blindés ».
Les chaussures de montagne ne sont pas davantage satisfaisantes. Les chaussures ferrées, avec les divers cloutages (dont le fameux cloutage « ailes de mouches ») sont bonnes en général, mais dangereuses sur la roche, et n'oublions pas que l'ascension de l'Aneto, par exemple, débutait ... sur le quai de la gare de Luchon. C'est en 1950 seulement qu'il s'estime bien chaussé pour la première fois, avec les célèbres « semelles Vibram ».
En 1926, après la découverte de la Grotte CASTERET le jeune père de famille se rappelle qu'il a un vœu à accomplir. Lors de la naissance de son ainé Raoul, dont l'avenir était incertain, il a promis, si l'enfant réussit à passer ce cap difficile, d'aller à Lourdes à pied. Maintenant, Raoul a un an et semble bien tiré d'affaire : il faut s'exécuter. Mais l'occasion n'est pas facile à créer. Qu'à cela ne tienne. La Sainte Vierge ne regarde que l'intention. Et si CASTERET ne peut pas faire le trajet dans le sens de l'aller, il effectuera le retour !
Aussi, à la suite d'une virée de six jours dans le massif de Gavarnie, Elisabeth et Norbert sont dans le train pour regagner Saint-Gaudens. A la gare de Lourdes, Norbert descend. Il va prier à la Grotte de Massabielle, bien entendu (qu'il explorera en détail en 1940), et en trois jours, il va accomplir son pèlerinage. Mais quelle stupidité de prendre la route droite, via Tarbes et Lannemezan ! Aussi, il va agrémenter l'itinéraire : Lourdes, Bagnères de Bigorre, et arrêt à l'hôtellerie de Payolle sur la route du col d'Aspin : 48 km. Deuxième jour : franchissement du col d'Aspin et descente sur Arreau. Puis remontée, et passage du col de Peyresourde. Descente sur Luchon : 50 km. Troisième jour : Luchon, Cierp, Fronsac, Barbazan, Labarthe de Rivière et Saint-Gaudens : 47 km. Bilan : 145 km en trois jours (après six journées de haute montagne), et avec sac au dos, piolet et chaussures de montagne cloutées. Voilà du sport !
Et la nourriture ? Pour l'excursion qui nous occupe, les Carnets nous disent qu'ils ont acheté avant le départ : du pain et du fromage pour six jours. Et pendant les trois autres jours, Norbert a mangé encore du fromage et bu du lait Entre autres, du lait « qui sent l'écorce de pin » acheté à un berger.
Nos parents pensaient que la nourriture était secondaire. Lors d'une ascension hivernale au Pic du Midi de Bigorre (la première ascension hivernale féminine, en janvier 1929), ils ont bourré leurs sacs d'oranges et de bananes pour les observateurs, qui sont très privés de fruits. L'ascension est très dure, et sur la fin Elisabeth a quelques défaillances. Mais on ne touchera pas aux provisions pour autant !
Lors de l'une des premières explorations dans le gouffre de la Henne-Morte en novembre 1941, les quelques équipiers ont peiné énormément toute une journée. CASTERET a effectué plusieurs descentes à la corde lisse, et il a fallu aussi remonter à la corde lisse. Les manœuvres, s'éternisent Ils ont froid. Tout est mouillé. Et l'on trouve cette note laconique en fin de compte-rendu : « il est 17 h 30, nuit complète quand nous ressortons. Nous n'avons ni mangé ni bu depuis ce matin 8 heures ». Puis ils regagnent ensuite Saint-Gaudens avec le barda sur les vélos : deux heures de route ...
Le matériel avait besoin d'être inventé : il existe ! La technique avait besoin d'être améliorée : elle l'est ! La diététique avait besoin de progresser : elle l'a fait ! Il y a lieu de s'en réjouir et de s'en féliciter. Mais tout cela ne remplace pas la performance du sujet, sa motivation, sa ténacité.
Notre sujet (CASTERET) a maintenu son tonus moral et son capital musculaire. A cinquante ans, il explorait la Henne-Morte. A 55 ans, il remontait, par traction des bras sur une simple corde, le grand puits de 40 mètres du gouffre d'Esparros, et même le puits d'entrée. Toujours à cette époque, il est à la Pierre Saint-Martin. Il pense d'ailleurs, comme il me le dit alors, que c'est « le couronnement de sa carrière ». Mais il y aura encore la Cigalère, et puis la Coume Ouarnède ! Et il y fait du travail honorable malgré sa soixantaine. Ses jeunes collègues pourront constater alors « qu'il se dope à la grenadine » !
A 72 ans, en famille, il nous gratifiait d'une démonstration époustouflante : après quelques pas au trot un saut périlleux, tout habillé, et avec les souliers !
Enfin, à 79 ans, devant l'urgence, il se met à l'eau et sauve une jeune fille noyée dans le Lac de Lannemezan. C'était en novembre ...
Il a gardé, sinon bon cœur, du moins bonnes jambes jusqu'à ses 90 ans, montant et descendant les deux étages de Castel Mourlon, et maintenant sa promenade quotidienne d'un ou deux kilomètres.
Aussi, quelques semaines avant sa mort quand ses jambes refusèrent de le porter, il disait tristement à un jeune kiné de la clinique : « Ce n'est pas pour me vanter, mais j'ai été un grand athlète... »
Nous n'en doutons pas !
Soeur Marie CASTERET